Sunday, June 12, 2005

Canto de Outono

Turner, Por do sol


Chant d'Automne, canção de Gabriel Fauré, Felicity Lott, soprano, Graham Johnson, piano

Charles Baudelaire, tradução Jorge Pontual


Chant d'automne

I

Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres;
Adieu, vive clarté de nos étés trop courts!
J'entends déjà tomber avec des chocs funèbres
Le bois retentissant sur le pavé des cours.

Tout l'hiver va rentrer dans mon être: colère,
Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,
Et, comme le soleil dans son enfer polaire,
Mon coeur ne sera plus qu'un bloc rouge et glacé.

J'écoute en frémissant chaque bûche qui tombe;
L'échafaud qu'on bâtit n'a pas d'écho plus sourd.
Mon esprit est pareil à la tour qui succombe
Sous les coups du bélier infatigable et lourd.

II me semble, bercé par ce choc monotone,
Qu'on cloue en grande hâte un cercueil quelque part.
Pour qui? - C'était hier l'été; voici l'automne!
Ce bruit mystérieux sonne comme un départ.

II



J'aime de vos longs yeux la lumière verdâtre,
Douce beauté, mais tout aujourd'hui m'est amer,
Et rien, ni votre amour, ni le boudoir, ni l'âtre,
Ne me vaut le soleil rayonnant sur la mer.

Et pourtant aimez-moi, tendre coeur! soyez mère,
Même pour un ingrat, même pour un méchant;
Amante ou soeur, soyez la douceur éphémère
D'un glorieux automne ou d'un soleil couchant.

Courte tâche! La tombe attend - elle est avide!
Ah! laissez-moi, mon front posé sur vos genoux,
Goûter, en regrettant l'été blanc et torride,
De l'arrière-saison le rayon jaune et doux!


Canto de outono

I

Na escuridão logo estaremos mergulhados;
adeus, luz viva do nosso curto verão!
Já ouço bater com o dobre de finados
a lenha que ressoa, jogada no chão.

Todo o inverno vai entrar em mim: odiar,
sofrer, tremer de raiva, trabalhar forçado,
e, tal como o sol no seu inferno polar,
meu coração ficará vermelho e gelado.

Escuto com temor cada tora que cai;
a construção do cadafalso soa igual.
Minha mente parece a torre que se vai
sob os golpes do aríete duro e brutal.

Sinto, ao som que fere os ouvidos meus,
que alguém com muita pressa martela o caixão.
De quem? -- Chegou o outono! Vai-se o verão!
O estranho refrão soa como um adeus.

II

Amo a luz esverdeada dos seus olhos longos,
doce beleza, mas nada vai me agradar;
nem o seu amor, nem a cama, nem os sonhos
valem pra mim o sol brilhando sobre o mar.

Ainda assim, me ame! Seja mãe, ternura,
mesmo para um ingrato, até para um malvado;
amante ou irmã, seja a breve doçura
de um outono ou de um pôr-de-sol afogueado.

Vai ser rápido! A tumba espera contente!
Ah, deixe-me deitar no seu colo adorado
e gozar, com saudade do verão fervente,
um brilho outonal, suave e dourado!


Chant d'automne

I

Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres;
Adieu, vive clarté de nos étés trop courts!
J'entends déjà tomber avec des chocs funèbres
Le bois retentissant sur le pavé des cours.

Tout l'hiver va rentrer dans mon être: colère,
Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,
Et, comme le soleil dans son enfer polaire,
Mon coeur ne sera plus qu'un bloc rouge et glacé.

J'écoute en frémissant chaque bûche qui tombe;
L'échafaud qu'on bâtit n'a pas d'écho plus sourd.
Mon esprit est pareil à la tour qui succombe
Sous les coups du bélier infatigable et lourd.

II me semble, bercé par ce choc monotone,
Qu'on cloue en grande hâte un cercueil quelque part.
Pour qui? - C'était hier l'été; voici l'automne!
Ce bruit mystérieux sonne comme un départ.

II


J'aime de vos longs yeux la lumière verdâtre,
Douce beauté, mais tout aujourd'hui m'est amer,
Et rien, ni votre amour, ni le boudoir, ni l'âtre,
Ne me vaut le soleil rayonnant sur la mer.

Et pourtant aimez-moi, tendre coeur! soyez mère,
Même pour un ingrat, même pour un méchant;
Amante ou soeur, soyez la douceur éphémère
D'un glorieux automne ou d'un soleil couchant.

Courte tâche! La tombe attend - elle est avide!
Ah! laissez-moi, mon front posé sur vos genoux,
Goûter, en regrettant l'été blanc et torride,
De l'arrière-saison le rayon jaune et doux!

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